Dans un monde professionnel en constante évolution, la formation continue s’impose comme un impératif pour les entreprises et les salariés. Toutefois, sa mise en œuvre soulève de nombreuses questions juridiques complexes. Cet article examine les principaux enjeux légaux liés aux programmes de formation continue et propose des pistes pour naviguer dans ce paysage réglementaire en mutation.
Le cadre légal de la formation professionnelle continue
La formation professionnelle continue est encadrée par un ensemble de textes législatifs et réglementaires. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a profondément modifié le paysage de la formation continue en France. Cette réforme a notamment introduit le Compte Personnel de Formation (CPF) monétisé et redéfini les obligations des employeurs en matière de formation.
Les entreprises sont tenues de contribuer au financement de la formation professionnelle à hauteur de 0,55% de leur masse salariale pour les entreprises de moins de 11 salariés et de 1% pour les entreprises de 11 salariés et plus. Ces contributions sont collectées par les Opérateurs de Compétences (OPCO) qui remplacent les anciens OPCA.
Le Code du travail impose également aux employeurs une obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi. Cette obligation se traduit par la mise en place d’actions de formation tout au long de la carrière du salarié.
Les enjeux de la mise en place des programmes de formation
La mise en place de programmes de formation soulève plusieurs questions juridiques. Tout d’abord, il convient de s’assurer que les formations proposées répondent aux critères légaux d’une action de formation. Selon l’article L6313-1 du Code du travail, une action de formation doit avoir pour objet de favoriser l’adaptation des travailleurs à leur poste de travail, de participer au développement de leurs compétences ou de permettre l’accès à différents niveaux de qualification professionnelle.
La question du temps de formation est également cruciale. Si la formation est suivie pendant le temps de travail, elle doit être rémunérée comme tel. En revanche, si elle a lieu hors temps de travail, des conditions spécifiques s’appliquent, notamment en termes de durée maximale et d’accord du salarié.
Un autre enjeu majeur concerne la sélection des bénéficiaires des formations. L’employeur doit veiller à respecter le principe de non-discrimination dans l’accès à la formation. Selon une étude de la DARES, en 2018, 50,9% des salariés ont suivi au moins une formation, mais des disparités persistent selon l’âge, le niveau de qualification ou la taille de l’entreprise.
La responsabilité de l’employeur dans la formation continue
L’employeur engage sa responsabilité à plusieurs niveaux dans la mise en œuvre des programmes de formation continue. Tout d’abord, il doit s’assurer de la qualité des formations dispensées. Depuis le 1er janvier 2022, les prestataires de formation doivent être certifiés Qualiopi pour bénéficier de financements publics ou mutualisés.
L’employeur doit également veiller à la sécurité des salariés pendant les formations, y compris lorsqu’elles sont dispensées par un organisme extérieur. La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 12 octobre 2017 que l’obligation de sécurité de l’employeur s’étend aux périodes de formation.
Enfin, l’employeur s’expose à des sanctions s’il ne respecte pas ses obligations en matière de formation. Le défaut d’adaptation du salarié à l’évolution de son emploi peut être qualifié de manquement à l’obligation de formation et donner lieu à des dommages et intérêts. Dans un arrêt du 5 octobre 2016, la Cour de cassation a condamné un employeur à verser 30 000 euros de dommages et intérêts à un salarié pour manquement à son obligation de formation.
Les droits et obligations des salariés en matière de formation continue
Les salariés disposent de plusieurs dispositifs pour accéder à la formation continue. Le Compte Personnel de Formation (CPF) permet à chaque actif de cumuler des droits à la formation tout au long de sa carrière. En 2020, plus de 1,5 million de formations ont été financées via le CPF, selon la Caisse des Dépôts et Consignations.
Le Projet de Transition Professionnelle (PTP), qui remplace l’ancien CIF, permet aux salariés de suivre une formation certifiante en vue d’une reconversion. Ce dispositif est soumis à des conditions d’ancienneté et nécessite l’accord d’une commission paritaire.
Les salariés ont également des obligations en matière de formation. Ils doivent suivre les formations obligatoires liées à leur poste de travail, notamment en matière de sécurité. Le refus de participer à ces formations peut constituer une faute pouvant justifier un licenciement, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mai 2018.
Les enjeux liés à la digitalisation de la formation
La digitalisation de la formation soulève de nouvelles questions juridiques. La formation à distance, qui s’est largement développée avec la crise sanitaire, pose des défis en termes de contrôle du temps de travail et de protection des données personnelles.
Le RGPD s’applique pleinement aux plateformes de formation en ligne. Les organismes de formation doivent donc veiller à la sécurité des données collectées et au respect des droits des apprenants (droit d’accès, de rectification, d’effacement, etc.).
La question de la propriété intellectuelle des contenus de formation est également centrale. Les supports de formation sont protégés par le droit d’auteur, et leur utilisation doit être encadrée par des contrats clairs entre l’entreprise, l’organisme de formation et les formateurs.
Perspectives et évolutions du cadre juridique de la formation continue
Le cadre juridique de la formation continue est en constante évolution. La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a introduit de nouvelles obligations de formation, notamment en matière de prévention des risques professionnels.
La reconnaissance des compétences acquises de manière informelle ou non formelle est un enjeu majeur pour l’avenir. La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) pourrait être amenée à évoluer pour mieux prendre en compte ces formes d’apprentissage.
Enfin, l’émergence de nouvelles formes de travail, comme le travail indépendant ou le portage salarial, pose la question de l’accès à la formation continue pour ces travailleurs. Des réflexions sont en cours pour adapter le système de formation professionnelle à ces nouvelles réalités du marché du travail.
Les enjeux juridiques des programmes de formation continue sont multiples et complexes. Ils touchent à la fois aux droits et obligations des employeurs et des salariés, à la qualité et à la sécurité des formations, ainsi qu’à des questions émergentes liées à la digitalisation et aux nouvelles formes de travail. Dans ce contexte, une veille juridique constante et une approche proactive de la gestion des compétences sont essentielles pour les entreprises souhaitant tirer pleinement parti des opportunités offertes par la formation continue tout en minimisant les risques juridiques.