Les biotechnologies et les brevets sur le vivant suscitent de nombreux débats tant sur le plan éthique que juridique. En tant qu’avocat spécialisé en propriété intellectuelle, il est essentiel d’appréhender les enjeux liés à ces domaines. Cet article se propose d’analyser en profondeur le droit des biotechnologies et les brevets sur le vivant, leurs implications et leurs limites.
Les principes généraux des brevets dans le domaine des biotechnologies
Le droit des brevets a pour objet de protéger les inventions nouvelles, impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle. Dans le contexte des biotechnologies, la protection par brevet est souvent sollicitée pour garantir l’exclusivité de commercialisation d’un produit ou d’un procédé innovant.
Toutefois, certaines exceptions existent concernant la brevetabilité des inventions issues du vivant. En effet, l’article L. 611-18 du Code de la propriété intellectuelle précise que ne sont pas considérées comme des inventions au sens du droit des brevets :
- Les découvertes ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques ;
- Les créations esthétiques ;
- Les plans, principes et méthodes dans l’exercice d’activités intellectuelles, en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques ;
- Les programmes d’ordinateurs ;
- Les présentations d’informations.
Par ailleurs, l’article L. 611-19 du Code de la propriété intellectuelle énonce explicitement que les inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ne peuvent être brevetées.
Les organismes génétiquement modifiés (OGM) et les cellules souches : deux exemples concrets de brevetabilité
Les organismes génétiquement modifiés (OGM) sont des organismes vivants dont le patrimoine génétique a été modifié par l’intervention humaine. Ces modifications peuvent concerner des plantes, des animaux ou des micro-organismes. Les OGM sont au cœur du débat sur la brevetabilité du vivant puisqu’ils posent la question de savoir si une invention peut être protégée lorsqu’elle porte sur un organisme vivant modifié par l’action de l’homme.
Dans ce contexte, la jurisprudence européenne a précisé que les OGM peuvent être brevetés dès lors qu’ils sont obtenus par un procédé technique mettant en œuvre une intervention humaine. En revanche, les OGM issus de méthodes essentiellement biologiques ne sont pas brevetables.
Concernant les cellules souches, la question se pose également quant à leur brevetabilité. La Cour de justice de l’Union européenne a statué sur cette question dans l’affaire Brüstle (CJUE, 18 octobre 2011, aff. C-34/10) en précisant que les cellules souches embryonnaires humaines ne peuvent pas être brevetées si leur obtention entraîne la destruction d’embryons humains.
Les limites éthiques et juridiques des brevets sur le vivant
Les débats autour de la brevetabilité du vivant mettent en exergue les enjeux éthiques et juridiques sous-jacents. Ainsi, plusieurs arguments sont avancés pour remettre en cause la légitimité des brevets sur le vivant :
- La possible atteinte à la dignité humaine : protéger par un brevet une invention issue du vivant, notamment lorsqu’il s’agit d’un être humain ou d’une partie de celui-ci, peut être perçu comme une marchandisation du corps humain ;
- Le risque d’appropriation abusive du patrimoine génétique commun : certaines critiques estiment que les ressources génétiques issues de la nature ne devraient pas être soumises à une appropriation privée exclusive ;
- Les conséquences potentiellement néfastes pour la recherche scientifique : certains redoutent que des monopoles accordés par les brevets puissent freiner l’innovation et le partage des connaissances.
Néanmoins, il convient de souligner que le droit des brevets a également pour vocation de stimuler l’innovation en offrant une protection temporaire de l’invention, permettant ainsi à l’inventeur de rentabiliser ses efforts de recherche et développement.
Conclusion : un équilibre à trouver entre protection des inventions et respect des valeurs éthiques
Le droit des biotechnologies et les brevets sur le vivant sont des domaines complexes qui soulèvent d’importantes questions d’ordre éthique et juridique. Les avocats spécialisés en propriété intellectuelle doivent veiller à trouver un juste équilibre entre la protection des inventions innovantes et le respect des valeurs éthiques fondamentales. Cela passe notamment par une analyse rigoureuse de chaque cas d’espèce afin de déterminer si une invention issue du vivant peut être brevetée ou non.
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